Mgr Hollerich en appelle à une plus grande souplesse des structures pour pouvoir accueillir de nouvelles réalités ecclésiales, qui, pour l’instant, sont mises à l’écart. Face à certaines résistances, il revient sur les notions de charismes, d’obéissance et de compassion…
L’avenir de l’Eglise
Dans notre dernier entretien, vous avez dit que les centres spirituels d'aujourd'hui ne sont plus des paroisses. L’Esprit Saint suscite en effet de nouvelles réalités. Comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?
Je pense que beaucoup de paroisses vont disparaître. Ce sont des lieux arides, sans beaucoup de vie. Il faut des lieux où les jeunes puissent rencontrer le Christ dans leur vie quotidienne. Si ça n’existe pas, il faudrait faire des voyages tous les mois pour qu’ils maintiennent la foi. Donc il faut des communautés chrétiennes. Et nos paroisses, très souvent, ne sont plus vivantes. Même si c’est un peu différent de paroisse en paroisse… Mais en général la vie – c’est le Saint Esprit qui donne vie – manque quand-même. Et je pense que le devoir de l’Evêque c’est de voir où l’Esprit suscite de nouvelles choses pour favoriser cela.
Et je pense aussi que ce sera une Eglise beaucoup plus diverse dans l’avenir. Parce que le Saint-Esprit suscite des choses différentes. Ça va de l’Opus Dei, qui fait un travail admirable ici au Luxembourg, jusqu’à des mouvements qu’on situerait plutôt à gauche, mais tout cela est suscité par l’Esprit et je pense que l’Evêque doit aider à la croissance de toute cela et même les implanter encore plus dans les diocèses pour qu’il y ait des lieux où le christianisme soit vécu. Si le christianisme est seulement enseigné mais plus vécu, les gens perdent la foi.
De fait, beaucoup de personnes, lorsque elles découvrent que le christianisme n’est pas une abstraction mais une vie sont prêtes à reconnaître un chemin pour eux…
Oui, et les gens cherchent. Ils voient bien que le bonheur disparaît de leurs mains, comme du sable.
En effet, notre époque semble désabusée par rapport au progrès, au bonheur matériel, à un avenir politique, nous sommes dans un temps de fragilité.
Oui je pense qu’on pourrait presque la comparer à la veille de la première guerre mondiale. Cette société, par exemple à Vienne, qu’on voit dans la littérature de l’époque, cette décadence où il n’y avait plus d’espérance. Ce qui était dangereux à un certain moment car les gens ont attendu la guerre pour être libérés. Moi je ne crois pas que les gens soient libérés par la guerre, mais par le Christ.
Saint Ignace et les charismes
La Compagnie de Jésus a tout reçu de l’impulsion donnée par Saint Ignace. Quel est votre regard et votre expérience de pasteur sur ce qu’est un fondateur ?
Tout d’abord, un fondateur n’est pas un gourou, parce que c’est aussi l’Esprit Saint qui travaille dans le fondateur pour qu’il fonde quelque chose. Son expérience personnelle est toute entière pour l’Eglise pour que les choses de nouveau naissent dans l’Eglise.
De plus le charisme est souvent un retour au fondateur. Il y a des ordres religieux qui ont des saints comme fondateurs, d’autres pas. D’autres auront des saints après la fondation, tout est possible. Mais il y a toujours un charisme des premières heures. C’est la même chose que dans une vocation personnelle. Il y a comme une grâce spéciale de la vocation, quand on est appelé au sacerdoce ou à la vie religieuse. Et aussi pour les mouvements, les ordres religieux. Il y a comme une grâce spéciale de la fondation de cette vocation collective.
Je prends l’exemple de mon propre ordre religieux : la Compagnie de Jésus n’a pas toujours vécu l’obéissance comme saint Ignace le désirait, ni la pauvreté. Donc si on veut une Compagnie de Jésus qui soit vivante, on doit retourner à Saint Ignace. Nous convertir pour retourner à la grâce de la fondation.
La beauté c’est que dans un ordre ou un mouvement, les gens opèrent leur salut en même temps qu’ils vivent le charisme propre pour l’Eglise toute entière.
Comment expliquer les épreuves rencontrées par les nouvelles réalités ecclésiales ?
Ça a existé à toutes les époques. Parce que je pense que si l’Esprit suscite quelque chose de nouveau, il y a une peur. S’il y a quelque chose de nouveau, moi aussi je dois changer. Si je ne veux pas changer, je boude. Je construis des murs, je veux isoler celui qui me montre que je dois changer. Et une institution comme l’Eglise qui a des structures très anciennes à parfois peur des choses nouvelles. Par exemple un pape avait obligé la Compagnie de Jésus à chanter la liturgie des heures ensemble. Ça faisait scandale à l’époque qu’on puisse la dire en privé. Cela choquait. On l’a chanté ensemble jusqu’à sa mort.
Il y a toujours dans ce que l’Esprit suscite des choses qui choquent. Justement parce qu’elles sont nouvelles. Or un certain christianisme ne veut pas bouger. C’est la dynamique du péché. C’est Lazare qui veut rester dans le tombeau. Quand on ne veut pas sortir, ça veut dire aller vers une culture de la mort et ne pas accepter la Résurrection. En ce sens, c’est très malsain et c’est une tentation de l’Eglise de ne plus bouger. Parce qu’à chaque époque de l’histoire de l’Eglise, Dieu et son Esprit Saint ont suscité du renouveau dans l’Eglise. Vous savez que je suis Jésuite. La compagnie de Jésus date du XVIème siècle. Ça ne veut pas dire que la Compagnie n’aie plus rien à faire aujourd’hui, mais quand-même il y a d’autres mouvements qui sont suscités par l’Esprit et c’est une bonne chose.
L’espérance dans les épreuves
Qu’est-ce que vous diriez à des membres de mouvements qui vivent ces épreuves liées à la croissance ?
De vivre dans l’obéissance à l’Eglise avec espérance et joie dans le cœur. Et le Saint Esprit a toujours beaucoup de patience. Nous sommes dans une culture de l’immédiateté, mais le Saint Esprit est patient. Parce qu’il veut changer le cœur de l’homme en profondeur. On sait qu’il met du temps à faire cela.
D’autre part, il y a souvent dans beaucoup de mouvements certaines exagérations. Ces exagérations sont normales, parce que si on veut faire quelque chose de bien, on va exagérer. Je préfère qu’on exagère plutôt que de ne pas faire assez. Mais il faut naturellement qu’il y ait des gens qui veillent à ce que les gens puissent ne pas être détruis. Il y a là un critère, que les gens dans ces mouvements puissent en profiter et ne pas être détruits. Il faut un certain discernement, mais ce discernement doit aussi tenir compte d’un extrémisme chrétien, qui n’est pas un extrémisme contre les autres mais où l’on veut vivre la suite du Christ avec une grande radicalité. Et si ce désir de la suite du Christ dans une grande radicalité n’existe pas, le mouvement ne perdurera pas.
Il faut encourager les jeunes et leur dire : ne perdez pas courage même s’il y a des difficultés maintenant.
Comme archevêque, voyez-vous des critères qui permettent de garder l’espérance ?
Je pense que la croissance est une bonne chose. Si je lis les Actes des Apôtres, il y a toujours une constante : alors que l’Evangile est proclamé, il y a persécution et croissance en même temps. Ce sont de bons signes. S’il y a persécution, avec tous les grades, c’est tout d’abord bon signe, cela veut dire que les choses bougent. Saint Ignace a été plusieurs fois en prison. Par l’inquisition.
Comment saint Ignace a-t-il vécu cela ?
Avec une grande humilité. Son désir était d’aller à Jérusalem. Il est allé en Terre Sainte. Il a annoncé l’Evangile, mais de manière tellement maladroite que les franciscains lui ont dit de retourner sinon ils l’excommunieraient. Il est donc rentré. Il a compris qu’il devait faire des études. Donc il peut y avoir aussi une progression dans ce qui se fait. Et cette progression ne veut pas dire que le premier charisme ait été faux, mais que ce premier charisme a aussi peut-être besoin d’un peu de douleur pour porter vraiment du fruit.
Cet aspect de la Terre Sainte, ce premier attrait de Saint Ignace, est resté dans la spiritualité ignacienne. Dans tous les exercices, il faut voir, toucher le lieu où Jésus était. Cela fait donc partie de la spiritualité ignacienne, mais c’est plus tard, par les études et l’obéissance à l’Eglise que tout cela s’est affiné. Probablement, ce processus est aussi un processus douloureux d’affinement de cette première vocation.
Si je prends les quelques jésuites qui sont devenus cardinaux, beaucoup d’entre eux avaient à certains moments des difficultés avec l’Eglise. On leur demandait de ne plus écrire de livres et de ne pas enseigner pendant quelques temps. Ils ont repris quand l’Eglise leur a permis. Un Père de Lubac, par la suite, est devenu cardinal.
Le mystère de l’obéissance
Dans ce que vous décrivez, il y a un lien avec l’obéissance. Qu’est-ce que ça veut dire, qu’est-ce que ça implique ?
Tout d’abord il faut prendre l’enseignement de l’Eglise qui dit qu’il faut toujours suivre sa conscience, même si pour cela on est excommunié. Il n’y a pas de salut hors de sa propre conscience.
Affirmer cela ne serait-il pas un subjectivisme ?
Non. Parce qu’on pense que Dieu travaille dans la conscience. Le Saint Esprit est présent, donc il faut suivre sa conscience. C’est Saint Thomas d’Aquin qui a dit qu’il est nécessaire pour le salut de suivre sa conscience, même si pour cela on est excommunié. C’est très fort. Et c’est une longue tradition de l’Eglise. Mais ce sont des cas extrêmes. En général on n’est pas amené à ces extrémités.
Quels sont les enjeux de l’obéissance ?
En tout état de cause, l’obéissance est une voie de liberté. J’ai fait le choix que ce n’est pas moi qui vais m’auto-déterminer. Et c’est quelque chose de tout nouveau car tout notre entourage nous dit qu’il faut se déterminer soi-même. L’obéissance dit : non, le bonheur ne consiste pas dans cette réalisation de soi-même, mais dans le fait d’être complètement ouvert et disponible et d’être libre pour tout ce qu’on nous demande.
Je donne à nouveau un exemple du monde jésuite. C’est le Père Roubaix. Il a été général de la Compagnie de Jésus et auparavant il avait été au Japon. Il avait demandé la mission du Japon tout au début à son entrée dans la Compagnie. Mais on ne l’a pas laissé aller tout de suite. Il avait fait des études de médecine. Et lorsqu’il avait presque terminé ses études de médecine, on lui a dit : « tu pars au Japon ». Tout d’abord il s’est révolté en demandant « pourquoi maintenant ? Laissez-moi terminer mon doctorat en médecine ! ». « Non, tu vas au Japon ». Alors il y est allé en obéissance, mais avec plein de questions. Avec cependant la confiance en Dieu que même si les supérieurs se trompaient, obéir ne pouvait pas être faux. Il a été maître des novices, le noviciat Jésuite était près d’Hiroshima. Il est arrivé en 1945. Il était là bas quand le 6 août, la bombe nucléaire est tombée sur la ville. Il a transformé tout le noviciat en hôpital, il a soigné les gens avec les connaissances médicales qu’il avait.
Or mon premier provincial du Japon avait été en formation pour devenir kamikaze. Il n’avait pas eu l’occasion d’exercer, la guerre étant terminée. Il était d’Hiroshima. Il rentre chez lui. Il n’y avait plus rien. Il part à la recherche de sa mère et de sa sœur. Il les retrouve au noviciat Jésuite. Il était témoin quand sa mère avant de mourir a demandé le baptême. Ça a tellement travaillé en lui, que le guerrier fanatique est devenu un apôtre de la paix, il s’est fait baptisé, il s’est fait jésuite et j’ai eu la joie de l’avoir comme provincial. Il vit toujours. Il vivait dans ma communauté et j’étais toujours émerveillé par son humilité. Parce que même s’il devait être absent pendant une nuit, il venait demander la permission de son recteur.
L'expérience de la filiation
Selon vous, quelle est la place de l’amitié dans l’exercice de l’autorité ?
Je pense qu’il s’agit de suivre Jésus, ami des hommes. Voir cet aspect dans la personnalité de Jésus. Si je devais prêcher une retraite pour Points-Cœur, je commencerais par Lazare que Jésus considérait comme son ami. Il pleurait à l’annonce de la mort de Lazare. Naturellement, il y a cette amitié de Jésus qui pleure, qui nous veut du bien et nos appelle à la vie. Un charisme doit toujours être rattaché à la personne du Christ. Et c’est une dimension très profonde du Christ que ce charisme de l’amitié je pense.
Cela n’ouvre-t-il pas sur la question de la paternité qui est une réalité très blessée dans notre culture ?
Pour moi la paternité est très importante. Les gens vivent dans un manque de paternité. C’était la même chose au Japon, les pères ne sont pas présents par ce qu’ils sont au travail, alors la mère devient trop importante. C’est toujours cette balance entre maternité et paternité qui compte. Si on prend les termes de maternité pour l’Eglise, il faut aussi une paternité dans l’Eglise.
Le père c’est pour moi tout d’abord celui qui voit croître le fils. Et la joie du fils est d’être vu par le père. Le fils de mon chauffeur jouait son premier match. Le bonheur qu’il avait que son papa soit là pour le voir ! Même s’il n’a pas tellement bien joué, c’était important pour lui que son père soit là. Nous sommes en crise parce que les papas ne sont plus là. J’ai encore parlé avec le prêtre d’un des jeunes que je connais dans une paroisse. Il traverse une grande crise à cause du divorce de ses parents. Je lui avais écrit un petit message sur Facebook et il m’a dit que ça l’avait fait pleuré. Il l’a montré à sa mère immédiatement. Je pense que par des petites gestes comme ça que le prêtre, l’Evêque, doivent exprimer leur paternité.
La paternité est-ce identique au rôle de « directeur spirituel » ?
On a beaucoup parlé dans la spiritualité ignacienne d’« accompagnateur spirituel », ce qui est aussi très vrai. Il s’agit d’insister sur le respect de l’autre, au sens où je ne suis pas « dirigé », comme le sous-entend l’expression « directeur spirituel ». Je peux tâcher d’orienter l’âme, mais sans jamais enlever sa liberté. C’est ce respect de la liberté qui a forgé ce nom d’ « accompagnateur spirituel », mais la paternité spirituelle est davantage. C’est une compréhension de l’autre sans que tout soit nécessairement dit. C’est très important. Il s’agit de compréhension et d’acceptation complète de l’autre. Les directeurs spirituels ne peuvent pas tous devenir des pères spirituels. On a trop oublié cette paternité je pense.
Je pense aussi que le père a un rôle de modèle. Dans une paternité spirituelle on va tâcher de ressembler au père, et parfois ça va provoquer des douleurs, parce qu’on va aussi connaître les douleurs du père, les échecs du père.
C’est une relation très spéciale. Qui est rare. La vraie paternité spirituelle est très rare. Elle s’est beaucoup développée dans l’Eglise orthodoxe, plus peut-être que chez nous. Pour les pères du désert, c’est clair. C’est là au début de la vie religieuse. En fait, c’est aussi la paternité que l’Abbé bénédictin devrait exercer avec l’autorité du pater familias de l’époque. C’est très présent. Et surtout dans une culture qui manque de père, nous devrions retrouver cette paternité spirituelle.
Quel est le lien entre l’exercice de la paternité, pour le prêtre notamment, et l’affection pour les personnes confiées ?
Cette affection naturellement est nécessaire. Le prêtre doit toujours avoir une affection qui donne, sans vouloir de réponse. Et c’est dur. Donc pour un charisme d’amitié, il faut être très fort. Car on doit être prêt à donner l’amitié sans nécessairement la recevoir en retour. C’est là la vocation du Christ. Le Christ ami était aussi comme ça. Il était là pour appeler Lazare à la vie, mais quand il était au tombeau, les autres hommes qui auraient pu vivre quelque chose de cette paternité n’étaient pas là. Seul son Père dans le ciel était là.
Il convient donc de partager cette solitude du Christ ?
Il faut que chaque prêtre la partage. Si quelqu’un est ordonné prêtre sans savoir qu’il y a aussi une certaine solitude, même au milieu des communautés les plus joyeuses, il ne pourra pas aller son chemin. Voilà pourquoi on doit être un homme de prière. Si on est pas un homme de prière on ne tiendra pas dans les difficultés. Il faut que cette solitude soit habitée par le Christ.
Mais justement, dans la paternité spirituelle, le fils spirituel va percevoir cette solitude dans le cœur de son père spirituel. En ce sens c’est important.
La paternité spirituelle cela appartient au trésor de l’Eglise. On l’a trop oublié par le psychologisme etc.
N’y a-t-il pas aussi un vide au niveau de la théologie de ce point de vue là ?
Oui, parce que la théologie reflète la réalité de l’Eglise. Donc si cela n’existe plus dans cette réalité de l’Eglise actuelle, alors personne ne va y réfléchir. Ce n’est que lorsqu’on recommence à en faire l’expérience qu’on aura des paroles pour en parler.
Fragilités et compassion
Les générations actuelles qui répondent à l’appel de Dieu sont aussi marquées par une plus grande pauvreté sur un certain nombre d’aspects.
Oui et c’est une génération qui doit apprendre à s’orienter dans l’Eglise. Il faut retrouver aussi une identité claire. Je comprends tous les jeunes prêtres qui portent soutane et col romain. Parce qu’on a besoin d’une identité. Si c’est seulement extérieur, ça arrive aussi, c’est ça qui fait peur aux gens. Mais dans ce cas, il faut peut-être aider à ce qu’il y ait un développement. Mais la chose en soi est normale.
Moi je dirais que si c’est une génération plus vulnérable, c’est bon. Cette vulnérabilité, c’est la petitesse de l’Evangile. On ne fait pas de grandes croisades, pas de grands plans pastoraux, mais c’est évangélique, c’est authentique.
Cette fragilité nous rapproche des plus pauvres. Quelle est la place de la compassion dans la mission de l’Eglise ?
Il faut d’abord aller chez les plus pauvres, parce qu’autrement on n’est pas universel. Chacun devrait, au moins au début, être auprès des plus pauvres.
Je pense aussi que compassion et perfection sont des choses qui vont ensemble. Lorsque Jésus dit : « vous devez être parfaits comme votre père dans le ciel est parfait », si nous aspirons à une perfection philosophique, nous sommes perdus. Jésus nous invite alors à changer de vues, à passer du côté du Père pour voir comme lui. Nous nous plaçons du côté du Père pour voir le monde avec compassion et miséricorde. Et avec un grand amour.
Je ne cesse de répéter aux jeunes que Dieu les a voulus tels qu’ils sont. Et que Dieu est passionnément amoureux d’eux. Voilà pourquoi il veut leur donner son Esprit, pour qu’il habite chez eux, parce que Dieu a la nostalgie d’eux. Il veut être avec eux. Il ne souffrira pas qu’ils meurent pour toujours parce qu’il les aime. C’est ça cette perfection de Dieu. Je dis toujours que la toute puissance de Dieu est une toute puissance de l’amour. Parce que Dieu peut aimer tous les êtres humains, toute personne sur terre et il fait la même chose pour des milliards et des milliards au cours de l’histoire du monde. C’est là la toute puissance. C’est là la perfection.
Fin.
Entretien du 9 juillet 2015. Propos recueillis par D. Cardinaux.
Woooww ! Voilà bien longtemps que je n'avais lu une chose aussi juste, claire et réjouissante… Pourquoi est t'il si rare d'entendre une PAROLE RÉELLE, une parole qui donne envie de s'engager, de suivre de plus près le Christ ?
Je n'ai jamais entendu affirmer aussi clairement le primat de la conscience. "Au dessus du pape, il y a la conscience" disait Josef Ratzinger au début des années 70. Je pensais que c'étaient là des propos de jeunesse.
Ce ne sont pas des propos de jeunesse de J. Ratzinger, mais la citation, reprise lors de son pontificat, du fameux toast porté par le bienheurueux John Henry Newman au moment de son entrée dans l'Eglise Catholique : “To the Pope, if you please, – still, to Conscience first, and to the Pope afterwards.” Mais il faut souligner que pour le futur cardinal, ("grand maître de l'Eglise", selon Benoît XVI), la conscience n'est pas un tribunal subjectif, comme si l'individu était l'ultime instance de sa décision, livré à lui-même et à ses caprices. Pour lui la conscience est une capacité de reconnaître la vérité qui impose le devoir de la chercher et de s'y soumettre là où on la rencontre. La conscience est, pourrait-on dire, l'organe de l'obéissance à la vérité et le chemin vers Dieu: « Ce n’est pas l’intérêt, ni le profit, ni le bonheur du grand nombre, ni le bien de l’État, ni l’honnêteté, ni l’harmonie, ni la beauté qui règlent et mesurent nos actes. La conscience n’est pas un égoïsme calculé, ni une logique de soi-même. Elle est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne, par ses représentants. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ. Elle est le prophète qui nous révèle la vérité, le roi qui nous impose ses ordres, le prêtre qui nous anathématise et nous bénit. Même si le sacerdoce éternel de l’Église venait à disparaître, le principe sacerdotal survivrait à cette ruine et se poursuivrait, incarné dans la conscience » John Henry Newman, Lettre au duc de Norfolk et correspondance relative à l’infaillibilité, Bruges 1970, 239-240. Affirmer le primat de la conscience, selon Newman, c'est affirmer le primat de la vérité. L'un ne va pas sans l'autre.
Exact, mais Ratzinger avait repris la formule à son compte dans une émission de radio en 1971. "L'accomplissement parfait de la loi, c'est l'amour", dit St Paul. Pas n'importe quel amour, c'est vrai: celui qui nous vient de Dieu et qui éclaire la conscience. Mais il convient de ne pas trop encadrer des notions telles que l'amour et la conscience par la loi, ce qui est la tendance de toute institution humaine. Elles sont comme la marque de fabrique que le Créateur laisse en nous.
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